Aider une personne avec un TNC, avec Nicole Poirier et Dre Laurence Villeneuve, psychologue
Accompagner une personne atteinte d’un trouble neurocognitif, comme la maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée, n’est jamais simple. Les proches aidants comme les intervenants se retrouvent souvent confrontés à de l’incompréhension, de l’anxiété et, parfois, à l’épuisement. Dans ce balado, Laurence Villeneuve, psychologue et Nicole Poirier, directrice de la Maison Carpe Diem – Centre de ressources Alzheimer, nous invitent à changer notre regard sur les personnes vivant avec un trouble neurocognitif. Au cœur de leur approche se trouve une idée essentielle : plutôt que de réduire la personne à ses pertes, apprendre à reconnaître ce qui demeure d’elle.
Changer notre regard par rapport au trouble neurocognitif
1. Regarder les capacités avant les difficultés
Dans les milieux de soins, la tendance est souvent à comptabiliser les pertes, à dresser la liste de ce qui ne va plus. Mais ce réflexe empêche parfois de voir ce que la personne conserve encore : des forces et des habiletés bien présentes. Autrement dit, reconnaître ce qui demeure permet de voir la personne au-delà de son diagnostic.
En pratique :
- Souligner les petits gestes réussis.
- Encourager ce qu’elle peut encore faire.
- Bâtir chaque journée sur ces réussites plutôt que sur les manques.
Cette approche valorise l’autonomie de la personne et l’aide à se sentir plus compétente.
2. Informer au lieu de corriger
La perte de mémoire et la désorientation dans le temps et l’espace peuvent placer la personne atteinte dans un état d’incertitude quasi constant. Se réveiller dans un nouveau lieu sans savoir pourquoi on s’y trouve peut, de manière compréhensible, susciter de l’angoisse et de la confusion. Ce qui peut sembler comme un trouble du comportement n’est bien souvent qu’une réaction normale à la détresse ou au manque de repères. Derrière une agitation, une colère ou une question répétée se cache souvent un besoin d’être rassuré ou informé.
En pratique :
- Plutôt que de corriger la personne ou lui dire qu’elle est désorientée, redonner calmement les repères essentiels : où elle est, ce qu’elle fait là ou qui l’accompagne. Ces paroles sont parfois tout ce qu’il faut pour apaiser l’inquiétude et rétablir un sentiment de sécurité.
3. S’ancrer dans l’histoire de la personne
Recevoir un diagnostic de trouble neurocognitif peut être stigmatisant, pour la personne comme pour ses proches. L’approche centrée sur la personne consiste à replacer au premier plan ce qu’elle a toujours été : son histoire, ses valeurs, ses habitudes. Comme le souligne la psychologue Laurence Villeneuve : « Personne n’est jamais uniquement une maladie. » Reconnaître que la personne a une histoire qui va au-delà de son diagnostic permet de préserver son identité et d’entretenir une relation empreinte de dignité.
En pratique :
- Prendre le temps de s’intéresser à son vécu, à ce qui est important pour elle.
- Poser des questions.
- Écouter la personne pour comprendre ses besoins derrière la détresse qu’elle exprime. Si elle dit vouloir rentrer chez elle, cela peut traduire un besoin de réconfort, de familiarité, ou simplement l’envie de retrouver sa chambre.
4. Créer un environnement accueillant
Chez de nombreuses personnes vivant avec un trouble neurocognitif, le désir de partir, souvent exprimé par des phrases comme « je veux rentrer chez moi » ou par des tentatives de sortie, ne traduit pas nécessairement une réelle volonté de fuir. Il s’agit plutôt, comme le mentionne Nicole Poirier, d’un sentiment de désorientation, de confusion ou de manque. Face à ces comportements, le réflexe peut être de verrouiller les portes ou de restreindre les déplacements. À la maison Carpe Diem – Centre de ressources Alzheimer, une autre voie est préconisée : rendre le lieu accueillant et engageant pour réduire l’envie de fuir. Cela peut passer par des activités quotidiennes simples, comme cuisiner ensemble ou sortir marcher.
En pratique :
- Offrir des occasions de mouvement, de participation de plaisir dans un cadre agréable et convivial. Ces gestes peuvent apaiser l’anxiété et réduire les comportements d’opposition.
5. Préserver la pudeur et la dignité
Les gestes liés à l’hygiène sont particulièrement sensibles. Une demande formulée devant d’autres personnes ou de manière maladroite peut heurter profondément la personne atteinte d’un trouble neurocognitif et entraîner un refus. Respecter son intimité et faire en sorte de préserver la pudeur deviennent alors des marques de reconnaissance essentielles pour adoucir ces moments plus difficiles.
En pratique :
- Parler des activités liées à l’hygiène de manière discrète (seul à seul) à la personne concernée.
- Proposer respectueusement son aide au besoin plutôt que de l'imposer
- Détourner le regard par moments.
- Montrer l’exemple par un geste sur soi-même est parfois plus aidant qu’une longue explication.
Changer notre regard sur le vieillissement
Le regard posé sur les personnes vivant avec un trouble neurocognitif, c’est aussi changer notre regard sur le vieillissement lui-même. Cela commence par de petits gestes : ralentir à l’épicerie, partager un repas plutôt que d’observer de loin, écouter plutôt que corriger. Des actions simples, mais qui redonnent à chacun la place qui lui revient : celle d’une personne à part entière. Derrière les difficultés cognitives, il subsiste une vie émotionnelle, des habitudes, une histoire et une capacité à entrer en relation. Cette philosophie se traduit dans des gestes concrets du quotidien, où chaque interaction peut devenir une occasion de rétablir la dignité, d’apaiser ou de renforcer le lien.
Pour aller plus loin :
- Maison Carpe Diem – Centre de ressources Alzheimer
- Sociétés Alzheimer (régionales et locales)
- L’Appui pour les proches aidants
- CLSC et services de soutien pour proches aidants
